Ancien professeur d’anglais, Stéphane Foenkinos est devenu directeur de casting (il a plus de 70 films à son actif), scénariste pour la télévision, metteur en scène au théâtre, acteur et réalisateur. Il a notamment co-réalisé Jalouse et La délicatesse avec son frère, David.

1 – Ton confinement : il a lieu où et tu l’envisages/le vis comment?

J’ai la chance d’avoir été accueilli en Seine et Marne dans la maison de mon meilleur ami. Il y a un jardin, des chemins vers un bois pour des promenades où on ne croise personne. Des petits commerces pour le ravitaillement et une connexion internet pour continuer à travailler, à garder le contact et un vidéo projecteur pour voir des films! Je me sens très privilégié… et surtout on n’a pas d’enfants avec nous ahaha.

2 – Comment tu as connu le Lab et ce que tu y as vécu, ce que tu en penses

J’ai connu le Lab suite à ma participation au Festival des Arcs avec mon frère et ma rencontre avec Guillaume, Pierre-Emmanuel et Fabienne. Mon engagement envers la parité et la diversité dans notre métier date de quelques années déjà avec He for She et l’Onu et quand ils m’ont proposé de participer à un de leurs ateliers, j’ai évidemment foncé et pu échanger de manière constructive avec des collègues de différents corps de métier. J’aime l’idée que le Lab propose des actions concrètes et transforme le bouillonnement d’idées en réalité 😉
J’ai aussi œuvré au rapprochement avec d’autres organisations menant des combats similaires ou afférents comme « Le Tunnel des 50 ». Je suis à fond pour la mutualisation des causes!

3 – Cite un ou plusieurs films réalisés par des femmes qui t’ont marqué·e et que tu as envie de faire découvrir. Dire pourquoi en quelques mots 🎥

D’une manière inconsidérée j’avais un peu mis de côté Agnès Varda, estimant avoir compris son cinéma après « Cléo de 5 à 7 » ou « Sans toit ni loi » ou certains de ses documentaires comme « Les Glaneurs et la Glaneuse » et puis il y a quelques années à l’issue de rétrospectives je suis tombé sur « Le Bonheur » (1965), une tragi-comédie sur l’adultère d’une quotidienneté et d’une profondeur incroyables. Ici pas d’affèterie, pas de gros sabots… On soigne les cadrages mais le réalisme qui s’en dégage est bouleversant. Comme toujours sa direction d’acteurs mêlant comédiens confirmés (Jean-Claude Drouot alias « Thierry la Fronde ») et amateurs (la propre femme de Drouot, des enfants incroyables) est sidérante.

Même chose avec « L’une chante, l’autre pas » (1977) où Varda nous embarque dans le destin parallèle de deux femmes (remarquables Valérie Mairesse et Thérèse Liotard) qui court sur plusieurs années avec un discours sur le couple, la religion (une partie du film est tourné en Iran ce qui nous donne des images splendides et un aperçu documentaire de la vie avant la révolution), la maternité, la liberté individuelle et évoque le féminisme avec un angle tellement novateur.

J’ai également envie de parler de « Jeanne Dielmann » (1975) de Chantal Akerman avec l’insoumuse Delphine Seyrig, où comment le quotidien à la fois banal et terrible d’une femme est découpé au scalpel par la jeune réalisatrice belge de 25 ans. Je me souviens avoir entendu Akerman dire qu’il lui fallait une grande actrice à l’image bourgeoise pour effectuer des gestes du quotidien (ménage, cuisine, repassage..) pour que notre regard soit attiré et que son impact soit plus fort. Ce qu’elle réussit d’après moi de manière hypnotique.

Plus près de nous, je me dois de parler avec fierté de ma filleule de cinéma qui fait un beau parcours, Rebecca Zlotowski et en particulier de « Belle Epine » (2010) son premier film qui offre à Léa Seydoux un de ses premiers rôles principaux dans cette chronique douce amère du deuil mêlé à l’entrée dans l’âge adulte. Ce film dont j’ai suivi l’élaboration a été présenté à la Semaine de la Critique et mérite d’être redécouvert pour son acuité, la beauté de son découpage et déjà la marque d’une grande cinéaste et activiste.

Enfin l’an dernier j’ai été bouleversé par « Rafiki » (2018) un film Kenyan présenté à un Certain Regard à Cannes. Son auteur, Wanuri Kahiu a osé s’aventurer à décrire une histoire d’amour naissante entre deux femmes dans un pays qui reste très conservateur en matière de liberté sexuelle. Au delà du symbole, elle parvient à nous illuminer et à prendre le contre pied de plein de récits similaires.

Il y en a encore des dizaines, mais les copines et les copains en parleront bien mieux que moi… A noter que le documentaire de Pamela B. Green sur Alice Guy Blaché, première cinéaste reconnue et méconnue (et française) produit par Jodie Foster, « Be Natural » (2019) devait sortir dans une semaine. J’espère qu’il sera visible sur les plateformes. Le tout est un peu dense et parfois confus, mais a le mérite à travers des témoignages inédits et des extraits de films retrouvés de réhabiliter une immense cinéaste visionnaire et oubliée.

4 – un adjectif pour qualifier ton féminisme

Inné.

5 – Et pour finir, pourquoi cette photo ?

Alors ce n’est pas vraiment une photo de mon confinement, mais c’est un peu ce que j’ai l’impression de vivre en ce moment. Elle a été prise à l’automne dernier à Clevedon, Angleterre par mon ami et co-scénariste québecois François Jaros.