Nadège Beausson-Diagne est une actrice, autrice et militante. Elle travaille depuis plus de 25 ans au cinéma, théâtre et à la télévision en France. Par ailleurs elle travaille sur le continent africain. A l’initiative de Aissa Maiga, avec des actrices noires et métisses, elles écrivent le livre « Noire n’est pas mon métier » pour dénoncer le racisme, sexisme et l’invisibilité dans le cinéma français. L’an dernier, elle est à l’initiative du #METOO dans le cinéma Africain; #MEMEPASPEUR et dénonce lors du Fespaco, le plus grand festival du cinéma Africain, le viol et le harcèlement sexuel qu’elle a subi sur des tournages. Depuis, elle est présidente du collectif #MEMEPASPEUR qui lutte contre les violences sexuelles. Femme engagée, artiste entière, militante, Nadège Beausson-Diagne est de tous les combats pour plus d’égalité, de respect et prône un féminisme intersectionnel.

1 – Ton confinement : il a lieu où et tu l’envisages/le vis comment?

Je suis confinée à Paris avec mon mari. Je réalise chaque jour la chance que j’ai d être avec un homme que j’aime et qui m’aime. Je suis solidaire de tous les corps de métier qui sont en contact avec le Covid 19 pour que l’on continue à vivre. Je suis effarée de la montée des violences faites aux femmes et aux enfants dans cette période de confinement. Je suis très préoccupée pour les familles qui sont en situation de grande précarité accentuée par cette période difficile. Quant à nous artistes, nous ne sortirons pas indemnes de cette crise. Plus de tournages, plus de festivals, plus de concerts. Et malgré cela, je pense que c’est ensemble que nous allons devoir changer notre société. Il y aura un avant et un après différent si nous prenons conscience des autres .

2 – Comment tu as connu le Lab et ce que tu y as vécu, ce que tu en penses

J’ai connu le Lab lors du dernier Festival de Cannes où j’ai eu la chance de participer à un atelier avec des adolescents et des femmes de cinéma. Puis cet hiver avec des femmes entrepreneures et des femmes de cinéma. J’étais très enthousiaste lors de ce premier atelier et tout autant lors du second. Ces échanges et ce travail sur les représentations des genres, le regard à inventer ensemble pour plus d’inclusion est indispensable. Décloisonner les imaginaires, déconstruire les stéréotypes liés au genre est primordial pour une future société égalitaire. Le Lab participe aux changements de regard, à l’éducation de nos jeunes, de nous même pour une société plus juste.

3 – Cite un ou plusieurs films réalisés par des femmes qui t’ont marquée et que tu as envie de faire découvrir. Dire pourquoi en quelques mots.

Rue Case-Nègres de Euzhan Palcy est un de mes premiers choc cinématographique. Je me rappelle, j’avais l’affiche dans ma chambre de petite fille. Il était extrêmement rare, à l’époque, de voir des personnages noirs à l’écran. J’avais aimé cette histoire, ce regard cinématographique, sans avoir conscience à l’époque que c’était une femme noire qui réalisait. Je m’étais projeté entièrement dans cette histoire.

Tomboy de Céline Sciamma : Une histoire forte, sensible et unique. Un regard sincère et passionnant sur le genre. Celui de notre naissance, celui dans lequel on se construit. J’étais particulièrement touchée par la direction d’acteurs. Cette histoire de cette petite fille qui se sent un garçon. Garçon manqué « Tomboy » en anglais. Une histoire universelle sur la difficulté de se construire; j’adore ce film.

Papicha de Mounia Meddour. D’abord pour l’incroyable Lyna Khoudri, l’actrice principale. Un jeu intense, fougueux, qui nous emporte avec elle. Un film qui fait du bien, avec ce regard sur l’Algérie qui veut avancer avec plus d’égalité, de liberté pour les femmes. Un film toujours positif et jamais misérabiliste sur la société en chantier d’une Algérie équitable. Papicha est un de mes grands coup de coeur cette année.

Sans toi ni loi de Agnès Varda. Un film âpre, sans filtre proche du documentaire sur l’histoire d’une jeune femme retrouvée morte. Son histoire est déroulée, avec une proximité de la caméra. Je me rappelle l’avoir vu, pré adolescente, et avoir été littéralement emportée par le jeu de Sandrine Bonnaire. Rarement une actrice française m’avait emmenée avec elle dans son travail. Elle ne jouait pas,elle était. Constat violent d’une société individualiste, dans laquelle il est compliqué d’évoluer quand on veut être libre à tout prix. Du grand cinéma, une actrice unique.

4 – un adjectif pour qualifier ton féminisme

Intersectionnalité

Crédit photo : Ruben Albez