Mathieu est le co-fondateur avec Léolo Victor-Pujebet, que vous avez déjà rencontré dans ces pages, de Horschamp France. Ces deux là, on les aime d’amour et on vous conseille de les suivre de près car en plus d’être des merveilles de personnes, ils ne sont que talent ❤️.

Originaire de la région Centre, Mathieu vient à Paris en 2014 pour étudier le cinéma. Il y rencontre Léolo, avec qui il co-réalisera un court-métrage et, étant aussi acteur de formation, pour qui il jouera à plusieurs reprises, notamment aux côté d’Emmanuelle Bercot dans « Permis de construire ».

Les deux jeunes apprentis cinéastes fonderont en 2015 l’association Horschamp – Rencontres de Cinéma, parrainée par Thierry Frémaux et oeuvrant à la diffusion de cinéma de patrimoine et l’organisation de rencontres et de discussion avec de nombreux artistes. Ces exercices permettent à Mathieu de rencontrer des réalisateurs qui l’épauleront et l’orienteront, notamment Bertrand Bonello, Jean-Gabriel Périot ou Olivier Ducastel.

En 2018, il réalise Night of the Living Sluts qui lui permettra d’intégrer le programme de la Résidence de La Fémis jusqu’en juillet 2019, date à laquelle il obtient son diplôme de La Fémis avec les félicitations du jury, notamment grâce à son film de fin d’étude « Aussi fort que tu peux » actuellement en lisse dans plusieurs festivals européens.

Mathieu allie ses activités pour Horschamp – Rencontres de Cinéma (et depuis quelques temps, le Lab Femmes de Cinéma) à la réalisation. Il vient de tourner une version de la Belle et la Bête en pellicule 16mm et il est en écriture de son premier long-métrage.

1 – Ton confinement : il a lieu où et tu l’envisages/le vis comment?

Je suis confiné dans ma maison, à Ecrosnes. Difficile de faire la différence entre l’avant et après virus, puisqu’il ne s’y passe jamais rien. C’est calme. Et c’est tant mieux. Avant l’arrivée du virus, j’ai tourné un film et je m’apprêtais donc à le monter. Je pensais également prendre quelques semaines pour écrire mon long-métrage. Autant dire que pour l’instant, je suis très occupé. Je vis d’écriture, de lecture, de films, de jeux-vidéo et d’amour ! Car j’ai aussi la chance d’être confiné avec mon père, mes soeurs et mon prince charmant. De nature stressée, le calme ambiant me convient pour l’instant. Je peux vivre sereinement mon addiction à la caféine et m’abandonner sans complexe à une autre de mes passions : dormir et rêver.

2 – Comment tu as connu le Lab et ce que tu y as vécu, ce que tu en penses

J’ai connu le Lab via le festival des Arcs et l’animation d’une masterclass que l’on m’avait confiée : celle de Céline Sciamma (alors présidente du jury) en décembre 2017. Depuis, je suis heureux que mon association, Horschamp – Rencontres de Cinéma puisse travailler avec le Lab. Je suis fier de pouvoir y mettre ma pierre à l’édifice et de côtoyer sa formidable équipe.

3 – Cite un ou plusieurs films réalisés par des femmes qui t’ont marqué·e et que tu as envie de faire découvrir. Dire pourquoi en quelques mots

Clip – Maja Milos

Nous avons programmé Clip de Maja Milos en mai 2017 au Festival des Busters. Je l’ai revu ensuite à la Cinémathèque Française, au ciné-club Jean Douchet. Une autre preuve de bon gout, d’originalité et d’audace de la part de Mr Douchet. Clip m’a profondément marqué parce qu’il regroupe à peu près tout ce que j’aime dans le cinéma. Subversif, dans son ton, ses sujets et sa forme. Erotique, agressif, jeune, sans concession, libre, moderne, moderne, moderne. Un grand film sur l’adolescence, sur les femmes aussi, qui donne aussi l’occasion de découvrir un pays dont on ne voit pas grand chose.

Clément et Backstage – Emmanuelle Bercot

Les deux premiers films d’Emmanuelle Bercot sont ses chef-d’oeuvres. Clément est incroyablement osé et perturbant. Réalisé au sortir de la Fémis, Bercot y met en scène une relation passionnelle, charnelle, entre une femme (qu’elle incarne) et un garçon de 13 ans. Pour un étudiant en cinéma, ce film est précieux. La preuve que de grands moyens ne sont d’aucune utilité dans la fabrication d’un grand film. Que la beauté peut se trouver dans le matériel le plus dérisoire, à condition d’allier talent et intelligence.

Backstage me met mal à l’aise, en plus d’aborder des thématiques qui me fascinent (la célébrité et le fanatisme). Je cherche toujours l’inconfort dans les films. Rares sont ceux qui réussissent vraiment à me gêner. Il est donc, plus que notable (et quel casting! Isild Le Besco, Emmanuelle Seigner, Noémie Lvovsky et Samuel Benchetrit)

Thirteen – Catherine Hardwicke

C’est pour moi ce qu’on appellerait un film fondateur. Il fait partie de cette courte liste de films que j’ai regardé en boucle pendant toute mon adolescence et que je retrouve aujourd’hui dissimulé dans tout ce que j’écris, dans tout ce que je film. Encore un film sur la jeunesse. Une adolescence que j’ai longtemps fantasmé, tant la souffrance qui y est décrite semble finalement traité comme une forme… de liberté. C’est aussi un film très puissant sur la relation parents-enfants et un film américain honnête sur ce qu’est réellement sa société (loin d’Hollywood, donc). Catherine Hardwicke y film Evan Rachel Wood, qui fut longtemps une de mes icônes. Et les icônes, elle connait bien ça, puisqu’elle fera plus tard un merveilleux tour de magie en faisant apparaitre dans nos vies Kristen Stewart et Rob Pattinson, en réalisant le premier Twilight !

La Mauvaise Réputation – Iram Haq

J’ai découvert ce film et sa réalisatrice au festival des Arcs, en 2017. Et je ne suis pas près d’oublier, ni le film, ni la femme. Difficile de commenter cette oeuvre personnelle, à la fois difficile et essentielle. A cette occasion, nous avons réalisé l’un des plus beaux entretiens d’Horschamp – Rencontres de Cinéma, Iram Haq étant une femme tout à fait exceptionnelle. Je me souviendrai éternellement de la Mauvaise Réputation comme d’un film faisant état général (et brutal) de la violence faite aux femmes.

Darling – Christine Carrière

Un autre film essentiel à propos de la violence faite aux femmes. Pour moi, le plus beau rôle de Marina Fois. Aussi, j’ai eu la chance de rencontrer Christine Carrière à la Fémis et d’entendre ses conseils et enseignements. Même si je crois que Christine n’aime pas mes films, moi j’ai aimé le sien !

These Vagabond Shoes – Scarlett Johansson

Lorsque je vois quelqu’un manger seul, dehors, j’ai bêtement envie de pleurer. Ca n’a pas vraiment de sens. Je crois que Scarlett Johansson doit ressentir exactement la même chose ! C’est en tout cas ce que j’ai compris en voyant son court-métrage.

Grave – Julia Ducournau

J’ai vu ce film au festival de Gerardmer et je pensais bien qu’il gagnerait le grand prix. Déjà parce qu’il volait bien au dessus du reste de la sélection, mais aussi bien au dessus de la production horrifique en général. Le cinéma d’horreur a une fâcheuse tendance : se contenter de ce qu’il est. Se faire hommage. Tourner en rond. Rares sont les films d’horreur qui abordent leurs thématiques sous un angle totalement différent. C’est ce qui rend Grave notable et important. Le sujet de l’adolescence et des troubles alimentaires est également passionnant et propice à des situations tout à fait hallucinantes. Certaines scènes m’ont mis mal à l’aise, m’ont perturbé, dégouté, presque choqué. Et pour autant, les films d’horreur sont une véritable passion. Les bons films de genre français sont aussi très rares. Les films de genre de femmes… je n’en parle même pas.

Virgin Suicides – Sofia Coppola

Il côtoie Thirteen dans la liste des films de mon adolescence. Le premier et le meilleur film de Sofia Coppola. Il reprend plusieurs thématiques que j’ai déjà évoqué, notamment l’adolescence et encore une fois, la violence sans limite de la société à l’égard du genre féminin. Et pour finir, je dirais : pas besoin d’être hétéro pour être amoureux de Kirsten Dunst !

Je suis pas malheureuse – Lais Decaster

J’ai rencontré Laïs à la Fémis. C’est peut-être l’étudiante la plus brillante de sa promotion (en plus d’être la plus sincère, la plus drôle, la plus éclairée, la plus concernée). Elle étudie au département Distribution-Exploitation mais devrait sans aucun doute continuer à faire des films car son documentaire Je suis pas malheureuse est un grand film. Prix du Public au festival Cinéma du Réel de Beaubourg en 2019. Pas mal, pour une jeune fille qui ne se destine ‘pas vraiment’ à faire des films.

4 – un adjectif pour qualifier ton féminisme

Naturel.