Guillemette est journaliste, critique et Chef de la rubrique Cinéma à Télérama. Egalement chroniqueuse sur Canal + (Le Cercle Cinéma) et sur France Inter dans Grand bien vous fasse d’Ali Rebeihi, elle a aussi produit et animé l’émission estivale On s’fait des films, et participe à de nombreux jurys.
1 – Ton confinement : il a lieu où et tu l’envisages/le vis comment?
Confinée dans mon appartement au milieu des livres et des DVD, avec les deux personnes que j’aime le plus au monde. Donc, je trouverais déplacé et honteux de me plaindre ou de perdre patience, surtout quand je pense à :
Ceux qui vivent dans l’inconfort ou sans logis.
Ceux qui sont séparés de leurs proches ou dont les proches sont malades.
Tous ces courageux salariés des commerces alimentaires.
Et surtout à l’ensemble du personnel hospitalier, ces héros et héroïnes qui soignent et sauvent au péril de leur propre santé.
2 – Comment tu as connu le Lab et ce que tu y as vécu, ce que tu en penses
J’ai connu le Lab grâce, d’abord, aux Festival des Arcs, puis quand le Lab s’est associé au Collectif 50/50 dans différentes actions et démarches de réflexion. Le Lab m’a d’ailleurs gentiment invitée, certaines fois, à y prendre part. Le Lab est une des belles pousses du nouvel engagement féministe actuel et j’y ai fait la connaissance de femmes formidables ( et aussi d’hommes très concernés !)
3 – Cite un ou plusieurs films réalisés par des femmes qui t’ont marqué·e et que tu as envie de faire découvrir. Dire pourquoi en quelques mots
Volontairement, je ne les ai pas classés chronologiquement car les films réalisés par des femmes, est-ce un hasard, ne sont pas datés pour deux sous. Toujours modernes.
–La Leçon de piano de Jane Campion. Je l’ai vu au moins cinq fois avec la même passion. Seule Palme d’or pour un film réalisé par une femme.
– Sois belle et tais-toi de Delphine Seyrig : documentaire de 1976, fondamental, composé de vingt-trois entretiens avec des actrices de différents pays, stars (comme Jane Fonda) ou moins stars, sur l’ordinaire des violences sexistes dans leur travail. La parole libérée, déjà.
-Toute la filmographie de Céline Sciamma : Portrait de la jeune fille en feu, évidemment, en tant que film d’amour d’époque d’une totale modernité mais aussi, sans doute, premier long métrage de l’histoire à réellement imposer le regard féminin comme une alternative au regard (masculin) universel. Mais revoir aussi, par exemple, le magnétique Naissance des pieuvres, vraie naissance d’Adèle Haenel au cinéma, vénus moderne sortant de l’onde chlorée.
– Grave (2017) de Julia Ducournau : un film de chair, de sang, et de métamorphose, ou l’entrée fracassante d’une cinéaste dans le paysage du cinéma français. Cette admiratrice de David Cronenberg rend le genre horrifique vraiment troublant, mais attention aux évanouissements !
– Dans la foulée, avec le cœur bien accroché, regarder le si gore et fascinant Trouble every day de Claire Denis où Vincent Gallo et Béatrice Dalle désirent et dévorent.
– Madame a des envies d’Alice Guy : petite merveille (de 1906 !) visible sur Youtube sur une femme enceinte qui ingère beaucoup d’objets … phalliques. Et, en plus, avec ce film, la première cinéaste du monde inventait le gros plan.
– Cléo de 5 à 7 d’Agnès Varda : est-ce encore utile de conseiller ces deux heures, en temps réel, de la vie de Cléo qui attend des résultats médicaux ? Ou comment Varda en remontrait à tous ces messieurs de la Nouvelle Vague.
– Sans toit ni loi d’Agnès Varda : la grande Agnès, toujours, et une Sandrine Bonnaire inoubliable dans le rôle de Mona, sale et libre.
–Pas très catholique de Tonie Marshall : je viens de revoir cette comédie familiale noire et insolente et c’est, peut-être, mon film préféré de cette réalisatrice si proche des femmes, hélas décédée il y a quelques semaines.
– Wanda de Barbara Loden : un choc et pour définir cette première et unique réalisation de l’épouse du cinéaste Elia Kazan, autant laisser la parole à Marguerite Duras -“Je considère qu’il y a un miracle Wanda. D’habitude, il y a une distance entre la représentation et le texte, entre le sujet et l’action. Ici, cette distance est complètement annulée, il y a une coïncidence immédiate entre Barbara Loden et son sujet.”
–Lady Chatterley de Pascale Ferran : chef d’œuvre d’intelligence sensible et sensuelle.
– Une fille facile de Rebecca Zlotowski : captivante chronique rohmérienne des plaisirs et des vanités contemporaines sous le soleil de la Côte d’Azur où cette réalisatrice qui interroge autant le masculin que le féminin réussit à faire de Zahia une Bardot 2.1.
–Toni Erdmann de Maren Ade : difficile de trouver plus drôle et subtilement dérangeant sur le (nécessaire ?) ridicule social et familial.
– Rue Cases-Nègres d’Euzhan Palcy : tant d’amour et de générosité dans cette adaptation d’un roman antillais sur la Martinique des années 1930, et son monde colonial. Première fois qu’une femme recevait le César du meilleur premier film.
4 – un adjectif pour qualifier ton féminisme
Un féminisme farouche et joyeux.