Participant·e·s
Béatrice Boursier, Déléguée générale du SCARE et membre du collectif 5050
Floriane Colas, scénariste et réalisatrice, membre de 1000 Visages
Lucile Heynard, réalisatrice, membre de 1000 Visages
Véronique Le Bris, journaliste, créatrice du prix Alice Guy et de Ciné Woman
Céleste Nierat, Responsable de l’insertion & de la production à 1000 Visages
Magali Payen, Fondatrice du Mouvement On Est Prêt
Léa Sarra, réalisatrice et scénariste, membre de 1000 Visages
Diong-Keba Tacu, acteur et producteur, membre de 1000 Visages
Coach et facilitatreur.ice.s
Fabienne Silvestre, Coach et co-fondatrice du Lab
Guillaume Calop, Co-fondateur du Lab
Observatrices
Géraldine Macé, Assistante du Lab
Lise Perottet, Assistante du Lab
La place de la mixité dans le cinéma et dans l’audiovisuel
2/3 des personnes interrogées considèrent qu’intervenir dans un scénario pour en gommer les stéréotypes est un devoir et une responsabilité qui doit être prise, toutefois, seulement 55% de ces personnes se sentent capables de modifier elles-même un scénario si une telle question se pose, et 14% seulement oseraient proposer un casting plus mixte que celui initialement imaginé.
Il est également montré que celles et ceux qui sont dans le métier depuis plus de 25 ans ont tendance à favoriser des projets qui marchent systématiquement, avec des castings qui promettent un succès au film plutôt que d’innover et de chercher de nouveaux récits : il existe de fait des difficultés de financement pour ces récits encore peu montrés à l’écran. Un espoir s’exprime donc que la nouvelle génération de personnes travaillant dans le cinéma soit plus encline à faire bouger les lignes de l’industrie.
Un constat édifiant. Les participant.e.s de l’atelier sont toutes et tous déjà plus ou moins sensibilisé.e.s aux sujets de mixité devant et derrière la caméra. Certain·e·s parce qu’ils s’agit de problématiques qu’ils et elles connaissent, vivant des discriminations systémiques, d’autres via des informations transmises par des collectifs, ou des études qui dressent un bilan sur ce sujet dans le cinéma français.L’une des participantes mentionne notamment la dernière étude du Collectif 5050 Cinégalités dont les résultats sont des plus préoccupants. Pour reprendre quelques résultats de cette étude qui porte sur les 100 films français ayant eu le eu les plus hauts budgets et les 100 films ayant réalisés le plus d’entrées en salle : 81% des personnages principaux sont perçus comme blancs, 95% des personnages dont l’orientation sexuelle est mentionnée sont hétérosexuels. En ce qui concerne les équipes, 88% des scénarios sont écrits par au moins un homme, alors que 42% des scénarios sont écrits par au moins une femme. La faible mixité dans la représentation à l’écran, et la faible diversité des récits proposés sont de fait corrélés à la faible mixité à l’écriture et derrière la caméra.
Un manque de mixité au sens large. Le problème de mixité devant et derrière la caméra se pose pour toutes les personnes vivant des discriminations dans la société, les femmes notamment, mais pas uniquement. Les personnes vivant des discriminations liées au genre, à la race, à l’orientation sexuelle, au handicap sont trop peu représentées dans les récits et trop peu présentes dans les équipes de création de ces récits. Plusieurs participant.e.s évoquent un autre sujet qui n’est presque jamais abordé, c’est celui de la centralisation des récits : dans le cinéma français, on a l’impression que toutes les histoires se passent à Paris, et que les autres récits ne méritent pas d’être racontés.
La mixité devant et derrière la caméra : une nécessité. Pour les participant.e.s de l’atelier, bien plus qu’une « richesse », avoir de la mixité à tous les niveaux de création est une véritable nécessité. Avoir des histoires plus diverses permettrait de se sentir mieux représenté. Pour une personne racisée par exemple, il est très difficile de se projeter dans l’industrie cinématographique si peu de personnes racisées ont elles mêmes été médiatisées auparavant. De même pour les questions de genre, ou tout autre personne vivant des discriminations : avoir davantage de récits différents est nécessaire et pourrait entrainer un cercle vertueux de projection et de représentation. Avoir plus de « role models » divers dans l’espace médiatique permettrait à un panel de personnes plus important de se sentir représenté, et à s’autoriser à aller vers le cinéma, ce qui pourrait créer de fait plus de role models et générer un cercle vertueux de la représentation.
Un passage à l’action encore difficile. Les participant.e.s s’accordent à dire que malgré l’existence de certaines mesures pour pallier aux discriminations, elles sont encore trop peu nombreuses et/ou trop peu appliquées dans le cinéma français pour véritablement changer la donne. Dire vouloir plus de mixité dans les équipes de réalisation d’un film, ainsi que dans les histoires est une chose, mais agir concrètement, prendre des équipes plus mixtes ou raconter des histoires différentes en est une autre. Il est nécessaire de lier l’action aux discours, à l’instar du bonus qui a été récemment créé pour favoriser la mixité des équipes de tournage.
Quelles idées pour faire bouger les lignes?
- Parler de mixité plutôt que de diversité. Il faudrait s’habituer au glissement sémantique qui vise à parler de mixité plutôt que de diversité. Le terme « diversité » nomme les personnes discriminées comme « les autres », celles et ceux à inclure, tandis que le terme de « mixité » inclus tout le monde de fait. Le thème de l’atelier était initialement sur « la diversité devant et derrière la caméra » : nous avons changé de titre afin que celui-ci corresponde aux réflexions et conclusions qui ont émergées de cet atelier.
- Créer une boite à outil de la sororité. Créer avec l’aide de collectifs et de militant.e.s des ressources à l’attention de toutes les personnes travaillant dans le milieu du cinéma. Il pourrait s’agir d’un « manuel de déconstruction » à transmettre au plus grand nombre, pour mobiliser le plus largement possible sur cette question. En ce sens, l’une des participantes compte écrire un document à l’attention de son école de cinéma listant et expliquant toutes les fautes et maladresses qui ont été commises durant son apprentissage. Proposer un guide de la déconstruction à distribuer aux écoles de cinéma, aux institutions, aux équipes de tournage pourrait sensibiliser des personnes qui, ne vivant pas de discriminations, ne sont pas nécessairement sensibilisées à ces thématiques.
- Transmettre et sensibiliser. La transmission et l’échange sont clés. Il est nécessaire d’écouter les vécus des personnes concernées, de communiquer sur ces problématiques systémiques, en rendant visible au maximum des études sur ces sujets, ou en donnant de la place médiatique à des collectifs et des associations qui proposent des idées concrètes pour mettre en avant ces disparités et des solutions.
- Multiplier les initiatives qui visent à rendre le cinéma plus inclusif. Le Prix Alice Guy, le Collectif 5050, 1000 visages, Le Lab Femmes de cinéma, l’Observatoire des Images en sont des exemples : tous ces organismes cherchent à faire bouger les lignes, à modifier l’industrie du cinéma telle qu’elle est aujourd’hui. Il est important de multiplier ce type d’initiatives, et de les voir comme un réseau, comme une toile qui se complète, et où les différents tissages agissent ensemble pour faire du cinéma une industrie plus inclusive. Il ne saurait exister de compétition dans ce domaine : plus les initiatives sont nombreuses et se font entendre, mieux c’est.
- Favoriser le networking. L’une des participantes organise des brunchs avec ses camarades de promotion et amies pour rencontrer et échanger chaque mois avec une femme différente qui travaille dans le cinéma. Multiplier des initiatives de ce type est une idée porteuse : mettre en place des ateliers, des conférences, des rencontres… Ces événements de networking créent des liens et des passerelles entre les gens, qui peuvent s’inspirer mutuellement, mais aussi travailler ensemble pour être des moteurs de changement. Qu’il s’agisse de grands collectifs, de petits groupes informels, d’échanges de mail ou de partenariats : il faut créer des liens entre les différentes structures qui ont des objectifs communs.
- Un travail à faire au niveau du casting. À toutes les étapes de la création d’un film, il faut réfléchir à être le plus inclusif possible. Cela passe notamment par l’écriture de scénarios divers, mais aussi et c’est très important, par un travail des directeurs et directrices de castings qui doivent faire une recherche active de talents dont les profils différent de ceux qui sont sur-représentés à l’écran : chercher plus de femmes, plus de personnes transgenres, plus de personnes racisées etc. Un rôle de femme dont la couleur de peau n’est pas précisée dans le scénario ne doit pas être donné automatiquement et systématiquement à une femme cisgenre blanche comme c’est presque toujours le cas aujourd’hui.
Citations pépites
« Utiliser le terme de « mixité » plutôt que « diversité » serait plus juste : tout le monde est inclus dans ce terme, personne n’est stigmatisé comme étant « l’autre » ou « la minorité ». »
« Quand j’étais petit je ne voyais personne qui me représentait. Heureusement, Omar Sy est arrivé, c’était le seul homme acteur noir à l’époque, je me suis enfin senti représenté, c’est lui qui m’a donné envie de faire du cinéma. »
« L’objectif serait d’arrêter à long terme de poser cette question de « la diversité » : il faut tout le monde à l’écran, point barre. »
« Il est crucial que tout le monde se sente représenté. »
« Je m’engage à continuer à écrire des scénarios, des histoires qui me plaisent et que j’ai envie de raconter. »
« Le mot que je retiendrai de cet atelier est celui d’adelphité (1) »
(1) Le terme d’adelphité est le terme le plus neutre qui regroupe les notions de fraternité et sororité sans mention genrée. Il « désigne la solidarité entre ses semblables, qu’ils soient hommes, femmes ou non binaires. » – OXFAM France.
*Pour mémoire : règles de confidentialité et de publication du Lab :
Nous utilisons la règle dite de Chatham House, du nom d’un célèbre think tank britannique.
Cette règle est utilisée pour réglementer la confidentialité des informations échangées lors d’une réunion : quand une réunion se déroule sous cette règle, les participants sont libres d’utiliser les informations collectées à cette occasion, mais ils ne doivent révéler ni l’identité, ni l’affiliation des personnes à l’origine de ces informations. Cela permet une plus grande liberté de parole et des prises de positions plus fortes.
La liste des participants aux ateliers est en revanche publique, dans le but d’indiquer la diversité et la qualité des personnes présentes et donner de la valeur aux idées émises.