Notre invitée du jour est Joséphine de Meaux 🔥❤️

Joséphine est comédienne, auteure et metteure en scène. Dès sa sortie du CNSAD au début du siècle, elle créé une compagnie avec des amis pour faire du théâtre de tréteaux, dans les villages. Puis elle est rapidement convoquée pour des rôles au cinéma. Ainsi on a pu la voir dans Nos Jours Heureux et Tellement Proches d’Eric Tolédano et Olivier Nakache, La Délicatesse de David et Stéphane Foenkinos, Le Jour de la Grenouille de Béatrice Pollet, Les Gazelles de Mona Achache, Les Ducobu de Philippe de Chauveron, Pour le Réconfort de Vincent Macaigne, etc.

En 2012, cherchant à esquiver la certaine passivité à laquelle oblige le métier d’actrice et voulant toujours faire des expériences nouvelles, Joséphine se tourne vers la réalisation, d’abord avec un premier court-métrage : Crazy Pink Limo. Viennent ensuite un documentaire de création La mélancolie des Télésièges diffusé sur France 4 en 2016 (tourné en grande partie pendant le festival de Arcs 2014), puis un premier long-métrage Le Syndrome du moniteur de ski, produit par Domino Films, rebaptisé unilatéralement par les distributeurs Les Petits Flocons et sorti en salles en janvier 2019.

Au théâtre, elle a été dirigée dernièrement par Chloé Dabert (Orphelins de Dennis Kelly), Frédéric Belier-Garcia (Chat en poche de Feydeau) et Jean-Michel Ribes (Palace sur Scène).

1 – Ton confinement : il a lieu où et tu l’envisages / le vis comment ?

J’ai l’immense chance d’être confinée en Bretagne avec mon amoureux et notre fille de 2 ans…

Au départ, j’ai eu peur de cette « maladie », de cette vague de souffrance déjà si impressionnante en Italie, en Espagne… Et puis j’ai aussi beaucoup stressé au sujet de l’avenir, en particulier pour les comédiens et pour tous ceux qui portent des projets artistiques. Les choses sont déjà si difficiles, incertaines. En temps normal, quand on veut faire un projet artistique, c’est avec des ongles rongés qu’il faut tenter de le faire sortir de terre! Le gros risque, en période de crise, c’est que le refus, le « on n’a pas d’argent », l’indifférence à ce qu’on ne connait pas, ne soit même plus annoncé de vive voix mais affiché sur la porte close ! Ce qui nous guette c’est le serrage de vis sur ce qui marche ou sur ce qui est censé marcher et l’asphyxie des projets hors normes, originaux, différents, fragiles, risqués, bref ce qui à mon avis est le souffle de tout mouvement artistique, même à visée commerciale. Quand les théâtres ont fermé, ça m’a vraiment fait un choc ! Les cinémas aussi bien sûr, mais les théâtres… Ça existe depuis vingt-cinq siècles ! … C’est vraiment le lieu ultime de l’échange, de la pensée et du vivant, un tout, tout, tout petit rempart face aux pouvoirs des GAFA…

Et puis je me suis aussi rendue compte des injonctions continuelles auxquelles on est confrontés dans nos vies… Cette course à je ne sais pas quoi. Et tout à coup on arrête tout ? C’est bizarre, vertigineux, mais ça fait du bien aussi ! Ma peur c’est qu’il n’y ait pas de « monde d’après », mais un monde d’avant encore plus violent, fait de repli sur soi, de montée des extrêmes, d’un ultra-libéralisme qui repartirait « comme en 40 » et qu’une fois encore les petits, les précaires et la planète trinquent… De moins en moins d’humanité, de plus en plus de virtuel, c’est ma hantise…

J’ai lu l’article de Mohammad Yunus dans Le Monde, qui invite les décideurs du monde entier — et chacun d’entre nous d’ailleurs — à ne pas chercher à « relancer l’économie » (ce serait une catastrophe étant donné là où nous savons qu’elle nous mène, inexorablement et à très court terme) mais à profiter de cette occasion unique pour repartir de zéro pour une économie sociale, et écologique. Mais… c’est tellement simple ! Il dit que pour ça il faut juste arrêter de faire les choses pour gagner de l’argent et entreprendre pour régler des problèmes et faire vivre tout le monde bien, sur une planète non agressée… Ça semble couler de source, non ?

Voilà un « confinement questionnant » donc… Et puis le plaisir de s’abandonner au temps qui passe, d’accepter les jours ‘’up’’ et les jours ‘’down’’, de réussir à travailler pendant les quelques petites heures disponibles par jour, le soutien de ma famille… Tout ça a fini par m’apaiser. « À chaque jour suffit sa peine… »…. Un seul manque, boire des verres avec mes amis !

2 – Comment tu as connu le Lab ? et ce que tu y as vécu, ce que tu en penses.

C’est surtout à Les Arcs Film Festival que je connais et que j’adore ! C’est un festival très humain, exigeant, mais pas snob, Européen (quel beau mot), ouvert sur le monde et sur les autres, inventif, accueillant… Un festival qui sait aussi accompagner de jeunes créateurs, ce fut mon cas pour mon documentaire « La mélancolie des Télésièges ».

Le Lab en est une émanation naturelle puisqu’il ressemble à la personnalité des créateurs et créatrices du Festival, et me semble indispensable dans le paysage culturel actuel puisqu’il promeut une entière et franche reconnaissance des artistes femmes, pas juste des coups de pub…

Si le Lab édictait les règles régissant le cinéma, je suis sûre que l’exigence de parité homme/femme commencerait dès le financement des films, qu’ils prôneraient aussi l’égalité des salaires, une égalité concernant les tailles des projets, les budgets des films… Une parité qui passerait par le foisonnement de projets de femmes et un renouvellement de leur représentation à l’écran. Ou bien est-ce juste une projection de mes propres désirs ?

3 – Cite un ou plusieurs films réalisés par des femmes qui t’ont marquée et que tu as envie de faire découvrir. Dire pourquoi en quelques mots.

D’abord les films d’Andréa Arnold, en particulier Fish Tank et Les hauts de Hurlevents. C’est une réalisatrice passionnante qui m’impressionne beaucoup, ce qui me marque : son regard, le mouvement émotionnel qu’elle créé. Ses histoires sont âpres et romantiques.

Je pense aussi à Démineurs de Catherine Bigelow. Là encore, la particularité du regard de ce « film de guerre », qui s’exprime en particulier par le vrai temps pris pour contempler l’après de l’action, et son impact sur l’intériorité des personnages. Ce film m’avait enthousiasmé quand je l’avais vu.

En France, j’aime beaucoup Léa Fehner, elle a fait deux films très différents, bourrés d’humanité, Les Ogres, son deuxième film, je le trouve virtuose, comme ses personnages d’ailleurs c’est logique en fait !

Le concept de « female gaze », je le trouve vraiment intéressant, le fait de mettre en valeur l’expérience féminine, ces trois réalisatrices, avec des sujets très variés, et même opposés, c’est ce qu’elles font, et c’est vivifiant parce qu’au-delà du genre, c’est juste un nouveau regard, un regard différent de celui qui nous a été donné jusqu’à maintenant…

4 – un adjectif pour qualifier ton féminisme.

Convaincu ! Parce que Benoîte Groult continue d’avoir raison : « le sexisme est endémique ».