Photo © Manuel Moutier

Participant·e·s

Pascale Breugnot, Productrice
Iris Brey, Critique et Universitaire et journaliste
Stefi Celma, Actrice, Quoc Dang Tran
Scénariste, Créateur, Adaptateur
Elodie Demey, directrice de casting
Pierre-Emmanuel Fleurantin, Directeur Général des Arcs
Lucie Girre, Déléguée Générale Adjointe de l’ARP
Judith Havas, Scénariste, Réalisatrice, Directrice de Post-Production
Fanny Herrero, Scénariste, Auteur, Créatrice, Directrice de collection
Dominique Jubin, Productrice chez StudioCanal
Hélène Le Gal, Scénariste, Directrice de collection
Charline de Lépine, Productrice, Scénariste
Benoît Louvet, Directeur Général de Canneseries
Bryan Marciano, Acteur, Scénariste
Nathalie Suhard, Scénariste, Créatrice, Dialoguiste
Cathy Verney, Actrice, Réalisatrice, Scénariste
Odile Vuillemin, Actrice
Catherine Winckelmuller, Agent, Agents Associés

Coachs

Fabienne Silvestre-Bertoncini, Coach et Coordinatrice générale du Lab

Emmanuelle Château, Coach

Observateur·rice·s

Guillaume Calop, Co-fondateur du Lab et DG des Arcs Film Festival

Laurence Lascary, Productrice et Représentante du collectif 5050/2020

Mina d’Ornano, Réalisatrice et Productrice

Julia Dion, ELLE, Journaliste Société, People, Culture

Emma Pagès, Assistante Lab – Femmes de cinéma

Photo © Manuel Moutier

À travers les témoignages…

 

La question de la légitimité. Les femmes se posent toujours la question de la légitimité. Elles doivent se battre, semble-t-il plus que les hommes, pour imposer celle ci. Elles ont même parfois le sentiment de devoir changer leur nature pour cela.

La place des réalisatrices dans les séries. Beaucoup de femmes sont scénaristes et par- viennent à s’affirmer. Cependant, le vrai problème semble concerner la place des réalisatrices ; il semblerait qu’on ne leur fasse pas confiance! Il est difficile de convaincre un producteur, plus en- core un diffuseur, une réalisatrice effraie, alors que ce n’est pas le cas pour un réalisateur. À cela s’ajoute le « temps long » des séries : certaines femmes réalisatrices pourraient avoir une résis- tance à se lancer dans une aventure aussi longue que celle de la série, en imaginant que cela va être plus dur que le cinéma. Se pose aussi souvent la question de la maternité, vécue comme une prise de risque chez les investisseurs.

La question des stéréotypes. Même si un personnage n’a aucun nécessité à être « glamour », il faut systématiquement qu’une femme soit belle. Un changement peut être fait au niveau du cas- ting, on peut apporter une meilleure représentation de toutes les femmes quel que soit leur phy- sique et essayer de diversifier la représentation des femmes dans les personnages. Il n’y a pas de personnage de femme extrême, dans les séries, les femmes ne sont jamais vraiment gros- sières ou violentes. Dès qu’une femme n’est pas dans son rôle attendu, cela gêne, « les femmes semblent être dans un carcan dont on ne peut pas les sortir ».

Le problème des diffuseurs. Ils évoquent leur point de vue de manière péremptoire, encore trop souvent basé sur des idées préconçues d’un autre temps. Les diffuseurs imposent leurs choix, sous prétexte de penser connaître parfaitement ce qui plaît au public. Heureusement certains dif- fuseurs, moins contraints par la publicité, donnent plus de liberté.

La question de l’écriture. Il arrive souvent à des scénaristes femmes qu’on leur demande de « colorer » les personnages féminins. Or, certaines refusent car cela donne des rôles non équili- brés qui ne témoignent pas d’une évolution, ils sont une petite pointe dans le scénario. On note aussi dans la jeune génération de scénaristes une attention à « créer des personnages féminins justes ».

Une différence femmes/hommes. L’écriture féminine semble parfois être reliée à une notion de subtilité qui n’est pas forcément présente chez les hommes (même s’il existe évidemment des hommes qui en disposent aussi). Les femmes ont l’habitude d’aller chercher à l’intérieur des mo- teurs d’action, de sentiments, ce qui rejoint cette idée de subtilité, de finesse.

Le problème de la pérennité du scénario. Les scénaristes passent deux ans voir plus à expri- mer un point de vue sur les personnages, qui en bout de chaîne aura été complètement modifié par le point de vue du réalisateur. La passation avec le réalisateur est donc extrêmement brutale et n’aboutit pas toujours à la conservation du point de vue initial du scénariste. Certaines femmes scénaristes ressentent que les réalisateurs hommes manquent de respect à l’égard de leur tra- vail, peut-être une manière de s’imposer brutalement. Mais le problème est souvent plus général, lié plus à la relation auteur-réalisateur

Réussir à imposer ses idées en tant que femme Au sein d’une équipe, il n’y a pas de problème de mixité. Seulement, dès qu’une femme commence à prendre de l’importance, cela devient un problème. Il est difficile de taper du poing sur la table et d’affirmer une position en étant une femme seule entourée d’hommes, encore plus lorsqu’il y a des tensions!

La question des festivals. La création d’un prix d’interprétation non genré dans un Festival peut se transformer en problème au regard de l’égalité des chances. En effet, il y a plus de rôle mas- culins intéressants que de rôles féminins qui sont mis en avant dans les séries, et cela génère de la discrimination en festival.

Qu’en est-il des chiffres? Les chiffres sur la parité aux postes clés semblent être encore moins bons pour les séries qu’au cinéma, pour autant, il y a très peu d’études sorties sur le sujet, il se- rait bien d’avoir de vraies données, notamment concernant les stéréotypes!

Les séries, lieu de la plus grande inégalité. Les pourcentages du nombre de réalisatrices/sho- wrunneuses sont extrêmement faibles, encore plus qu’au cinéma où il y a une volonté de faire émerger des talents et une nouvelle génération qui semble prendre sa place. En télé, il y a une aversion à la nouveauté ainsi qu’à la prise de risque.

L’Idée d’être dans l’action et que les choses soient en train de changer. Beaucoup d’espoir et d’optimisme néanmoins, car nous vivons maintenant dans une époque où l’on se bat et où l’on peut exprimer ces problématiques de la place de la femme. Il y a des séries sorties récemment qui offrent une vision de la femme qui n’est pas celle des femmes vues par les hommes, mais celles des femmes vues par les femmes; c’est à ce moment là qu’on réalise que les choses avancent. Chez les plus expérimentées, les témoignages parlent d’un monde autrement plus dif- ficile et fermé il y a de cela quelques années seulement. Dans la jeune génération, on note égale- ment dans l’écriture une lutte contre les stéréotypes plus spontanée, plus naturelle, et beaucoup plus de liberté.

Photo © Manuel Moutier

Citations pépites

« Quand on m’appelle, c’est pour me demander de donner de la couleur aux personnages féminins et je refuse tout net car au final, ça donne juste une touche, pas des personnages intéres- sants dans leur complexité »

« En tant que réalisatrice, plusieurs fois on m’a dit « il faut vraiment que tu t’entoures de gens très expérimentés ». Et là, je me rends compte qu’au final même si on a essayé, il y a peu de femmes techniciennes expérimentées »

« Quand je pars en tournage on me demande toujours “mais alors c’est ton mari qui gère les en- fants?“ »

« Elle a beaucoup de talent, mais elle a des enfants… »

« Il faut avoir une sacrée paire de couilles pour s’imposer ! »

« Pour casser les stéréotypes, il faut décoloniser l’imaginaire de chacun »

« Pour faire un bon personnage féminin, tu l’appelles Gerard et au dernier moment, tu changes son nom en Julie »

« Pour un diffuseur, si ça n’a pas été vu ailleurs, ça n’existe pas ».

« En jouant une femme battue, on m’a clairement dit qu’il fallait que je fasse rêver la ménagère »

« Ras le bol que les personnages féminins soient des mères, des grands mères, comme si un personnage féminin ne pouvait pas ne pas avoir d’enfant ou même regretter d’en avoir eu ! »

« Quand un producteur embauchait des femmes, il demandait systématiquement si on avait des enfants, cette question n’était pas posée aux hommes. »

« Quand j’ai commencé ce métier de producteur, il y avait seulement 3 femmes productrices, et pas de femmes sur les plateaux, aujourd’hui il y a une véritable avancée, il faut continuer la lutte, indéniablement, mais ça a changé et c’est chouette. »

« – Comment faire pour ne pas perdre ma féminité ? – Mets un pull rose ! » « Il faut que les diffuseurs changent leur conception de la ménagère ! »

« Je suis scénaristiquement pansexuel, j’en ai un peu rien à foutre que les personnages soient des hommes ou des femmes… Je peux intervertir les rôles, et je creuse de la même manière les personnages, qu’ils soient féminins ou masculins. »

Des idées aux idées d’actions

  • Présenter plus de projets de séries où le lead est féminin.
  • Développer et entretenir des réseaux féminins.
  • Être jusqu’au boutiste dans ce qu’on a envie de dire et de défendre.
  • Impliquer plus les créateurs et scénaristes dans les choix des réalisat·eurs·rices et au moment de la fabrication des séries.
  • Ressérer la chaine de collaboration : une bonne entente, des alliances et un respect de chacun donne de bien meilleurs résultats et permet d’imposer plus de choses.
  • La question des quotas pour établir de la parité : créer artificiellement les conditions d’un éco- système qui devient naturel quelques années après; la diversité sur le même plan que la question des femmes.
  • Repenser le modèle de la ménagère qui est complètement éculé et sur lequel trop de choix reposent encore
  • Créer les conditions de l’existence du/de la showrunn·er·euse.
  • Question de la formation : former les scénaristes femmes à davantage vendre leurs projets (par ex à la Fémis), et aussi à diriger des salles d’écritures. Jouer sur la corporation.
  • Former les scénaristes aux plateaux, et créer une rencontre assez tôt entre le/la réalisat·eur·rice et le/la scénariste, afin que le/la réalisat·eur·rice ne soit pas impliqué·e seulement en tant que technicien·ne.
  • Et inviter les auteurs de la série sur le plateau de tournage et que cela soit naturel pour l’équipe de les accueillir, en tant qu’observat·eurs·rices. Et qu’ils/elles viennent aussi et surtout au montage.
  • Former les décisionnaires, les diffuseurs, les éduquer, sensibiliser.
  • Réaliser des études très concrètes : (comme aux USA) afin de prendre conscience des stéréotypes qui pèsent. Publier cette étude de la même manière que ça a été fait pour le cinéma (sur les 5 dernières années en France). Il faut que les études réalisées soient rendues publiques.
  • Transparence salariale : on a du mal à communiquer de manière transparente en France. 
Quels salaires, aux même postes? Pour les scénaristes et les réalisateurs, c’est très transparent, quid des autres postes?
  • il faut donner plus de crédit aux femmes, par des titres de poste qui définissent mieux leur légitimité et leur permette de l’imposer plus facilement.
  • Suggérer aux diffuseurs de développer des cases dévolues aux jeunes auteurs, afin que la nouvelle génération de réalisat·eurs·rices puisse émerger.

*Pour mémoire : règles de confidentialité et de publication du Lab :

Nous utilisons la règle dite de Chatham House, du nom d’un célèbre think tank britannique.

Cette règle est utilisée pour réglementer la confidentialité des informations échangées lors d’une réunion : quand une réunion se déroule sous cette règle, les participants sont libres d’utiliser les informations collectées à cette occasion, mais ils ne doivent révéler ni l’identité, ni l’affiliation des personnes à l’origine de ces informations. Cela permet une plus grande liberté de parole et des prises de positions plus fortes.

La liste des participants aux ateliers est en revanche publique, dans le but d’indiquer la diversité et la qualité des personnes présentes et donner de la valeur aux idées émises