Lola est réalisatrice, comédienne, productrice

Après deux années de classe préparatoire Hypokhâgne/ Khâgne option cinéma à Paris, Lola Bessis étudie le cinéma et la littérature au sein des plus prestigieuses universités internationales (UCL à Londres, NYU et la New School à New York) où elle écrit, réalise et produit une dizaine de courts-métrages. En parallèle, elle travaille pour des sociétés de production et se forme au jeu d’acteur chez Stella Adler, Jack Waltzer, et à l’école des Enfants Terribles.

En 2011, elle écrit et produit le court-métrage Checkpoint, primé à Clermont-Ferrand et sélectionné par plus de 250 festivals internationaux de renom. En 2014, à seulement 21 ans, elle produit et réalise son premier long-métrage, Swim Little Fish Swim, tourné à New-York et dans lequel elle tient le rôle principal. Le film remporte un vif succès en festivals (Rotterdam, SXSW, Sao Paulo, Festival de films de Femmes de Créteil,…) et est salué par la critique lors de sa sortie en salles.

Elle développe ensuite plusieurs scenarii de long-métrages et de séries tout en poursuivant sa carrière de comédienne en France comme à l’international. On la retrouve notamment dans la série Australienne Picnic à Hanging Rock, dans le film franco-américain C’est qui cette fille ou encore aux côtés de Catherine et Liliane sur Canal +.

1- Votre confinement : il a lieu où ? vous l’envisagez/le vivez comment?

J’ai eu la chance de le débuter en Normandie où je passais le weekend en famille quand l’heure du confinement a sonné. Je suis maintenant à Paris. J’essaie, dans la mesure du possible, de convertir le négatif en positif.

Evidemment on est assaillis par les journaux télévisés, traumatisés par le nombre de vies perdues, inquiets pour ses proches. Certains sont confinés dans des surfaces minuscules avec des enfants qu’il faut divertir en plus de leur faire l’école à domicile. Mais je pense qu’il faut essayer de tirer profit de cette épreuve qui est une bonne occasion de se recentrer sur l’essentiel. Cela ne veut pas dire se transformer du jour au lendemain, je ne supporte pas la quête à la performance. Mais on peut se concentrer sur un projet, éternellement mis de côté par manque de temps ; redécouvrir l’entraide et la solidarité ; échanger avec ses enfants, son conjoint ou ses proches plus qu’à l’accoutumée ; mais aussi être indulgent avec soi-même, s’offrir des moments de plaisir, lire, cuisiner, etc…

Pour ma part, j’écris beaucoup, je reprends des projets abandonnés ; je cuisine aussi car ça me vide l’esprit et me détend (j’ai fait mon propre pain ! c’est très satisfaisant !) et je prends des nouvelles des gens que j’aime. Il m’arrive d’avoir des moments de blues, d’inefficacité dans le travail, je les accepte, en bouquinant ou en regardant un film, en attendant que ça passe.

2 – Comment vous avez connu le Lab et ce que vous y avez vécu, ce que vous en pensez

J’ai connu le Lab, et le travail formidable qui y est effectué, lors du Les Arcs Film Festival où j’étais jurée. Ils organisaient des cafés « think tanks » et permettaient à toutes et à tous de réfléchir à des idées qui pourraient favoriser la parité et la valorisation du travail des femmes dans l’industrie du cinéma. C’est grâce à de telles initiatives que les choses sont finalement en train de bouger. Alors merci pour tout, et merci de m’avoir adoptée dans cette grande famille !

3 – Citez un ou plusieurs films réalisés par des femmes qui vous ont marqué·e et que vous avez envie de faire découvrir. Dire pourquoi en quelques mots

Malgré le fait que les femmes réalisatrices ont toujours été sous-représentée, la plupart de mes films préférés ont été réalisé par des femmes. Voici donc ce qui me viennent spontanément (PS : y en a beaucoup !) (PS 2 : je me suis fixé 1 film max par réalisatrice ) :

La Cienaga de Lucrecia Martel – pour sa satire de la petite bourgeoisie argentine ; pour son aspect sensoriel, ce sentiment de malaise, de moiteur morbide, dans laquelle s’enlise cette famille sur le déclin.
J’ai faim, j’ai froid de Chantal Akerman – pour sa poésie, son regard sur la marginalité, sur la jeunesse et son humour
Girlfriend de Claudia Weil – merveilleux portrait de l’amitié au féminin
Wanda de Barbara Loden – pour son regard sur la marginalité, l’altérité, la quête de sens, l’émancipation.
Sans toit ni loi d’Agnès Varda – portrait d’une jeune fille libre, envers et contre tous
Peel de Jane Campion – pour sa poésie et son surréalisme
Il est plus facile pour un chameau de Valeria Bruni Tedeschi – pour la grâce et la maladresse de Valeria Bruni Tedeschi, femme hors du temps et pourtant universelle.
Atlantique de Mati Diop – une fable envoutante qui parle d’une réalité politique à l’actualité brûlante, celle des migrants, mais du point de vue des femmes restées au pays. Mati Diop parvient à traiter d’un sujet sombre sur le ton du merveilleux et de l’onirique. Les acteurs sont sublimes, l’image aussi.
Lost in Translation de Sofia Coppola – pour son romantisme, sa façon de dépeindre l’ennui et la solitude, la beauté des plans, le génie des acteurs
Les filles du docteur March de Greta Gerwig (et Frances Ha dans lequel elle joue et qu’elle a écrit !) – Pour sa finesse, sa modernité, le portrait de quatre jeunes femmes et leur rapport différent à leur féminité et à leur féminisme. La scène de danse entre Timothée Chalamet et Saoirse Ronan est légendaire.
Nenette et Boni de Claire Denis – parfait portrait d’une famille imparfaite (comme les autres)
Le Bois dont les rêves sont faits de Claire Simon – J’admire le travail de Claire Simon, sa capacité à obtenir la confiance de ses sujets, à se faire oublier tout en apportant sa patte. Ce film sur le bois de Vincennes et ceux qui le peuplent est une pépite.
Pardonnez-moi de Maïwenn – Pour son dispositif, sa sincérité à vif, son portrait sombre et drôle à la fois de la famille, sa vérité qui flirte avec l’auto fiction.
La bataille de Solférino de Justine Triet – j’adore le travail de Justine Tiret et ce film en particulier, pour son énergie, son dispositif, son regard sur le couple, la séparation, la paternité.
Tomboy de Céline Sciamma – un portrait tendre qui pose la question de l’identité de genre. L’image est sublime, la comédienne principale est d’une justesse impeccable.
Jeune Femme de Léonor Séraille – portrait d’une femme de notre temps. Laetitia Dosch est parfaite de par son imperfection. Je m’identifie complètement.

Côté séries :

– Bien sûr Girls de Lena Dunham ! – Pour tout : sa modernité, sa justesse, son portrait sans filtre de la jeunesse au féminin, de la sexualité, pour son humour, son casting,…
– Et Picnic à Hanging Rock, une mini-série Australienne (dispo sur Canal +) dans laquelle j’ai tourné. La showrunneuse et réalisatrice, Larysa Kondracki, a rendu son regard féminin et féministe à l’oeuvre éponyme de Joan Lindsay, déjà adaptée en 1977 par Peter Weir. À la croisée de Les Filles du Docteur March, de Virgin Suicides et de l’univers de David Lynch, cette série se déroule en 1900 dans un pensionnat et met en scène des jeunes filles en quête de liberté et d’émancipation, rêvant de se défaire des carcans imposés par la société. Même si on se rend compte que d’importants progrès ont été fait (on ne porte plus de corsets !), le parallèle avec notre époque et le combat que mènent encore les femmes aujourd’hui est saisissant !

4 – un adjectif pour qualifier votre féminisme

Mon féminisme est évolutif, il se construit au jour le jour, mais il est viscéral, j’ai toujours été féministe et le serai toujours.

5 – C’est quoi cette photo ?

Elle a été prise par Matthieu Delbreuve. Je l’ai choisie car Matthieu est un super photographe qui sait capter l’instant présent, et que, bien qu’elle ait été prise avant le confinement, elle illustre bien ma mélancolie actuelle et la nostalgie du temps passé (ma tête du confinement, je vous l’offrirai à Halloween, là je préfère épargner les âmes sensibles !)