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Participant·e·s

Marie Amachoukeli, scénariste et réalisatrice

Maxime Delaunay, producteur (Nolita Cinéma)

Laure Desmazières, scénariste et réalisatrice

Audrey Diwan, scénariste et réalisatrice

Stéphane Foenkinos, réalisateur et directeur de casting

Sophie Frilley, PDG de TitraFilm

Emilie Georges, fondatrice de Memento Films International

Priscilla Gessati, exploitante de salles (Le Balzac, Paris)

Aïssa Maïga, comédienne et auteure

Géraldine Nakache, comédienne et réalisatrice

Cécile Salin, acheteuse pour Diaphana Distribution

Alison Wheeler, comédienne, humoriste et chroniqueuse

Observateur·trice·s

Valentine Bottaro, Lab « Femmes de cinéma »

Guillaume Calop, délégué général du Festival de cinéma européen des Arcs

Julia Dion, journaliste, ELLE

Geoffroy Grison, scénariste, le Deuxième Regard

Clémentine Larroudé, Festival des Arcs

Animateur·trice·s

Emmanuelle Chateau, coach

Fabienne Silvestre-Bertoncini, co-fondatrice du Festival des Arcs, responsable du Lab « Femmes de Cinéma »

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A travers les témoignages

 

L’enjeu de l’intersectionnalité. Il faut croiser les thématiques pour que la promotion de la place des femmes nous fasse avancer sur toutes les discriminations. Il est important de veiller constamment à ne pas exclure certaines personnes de ce combat pour plus d’égalité au sein de l’industrie. L’enjeu est de penser la diversité, plus que la parité, afin de ne pas créer un nouveau système tout aussi excluant que le précédent.

La présence de femmes dans les postes techniques. Les femmes peuvent être très qualifiées, mais ont du mal à accéder à des postes techniques de premier rang. Le paradoxe est que l’on conseille à des réalisatrices de s’entourer de personnes confirmées – pour renforcer leur projet – ce qui revient à n’engager presque que des hommes. La question est donc : comment faire émerger des femmes aux premiers postes techniques ?

Les difficultés des scénaristes. Dans la paupérisation générale touchant la profession, il semblerait que les femmes soient beaucoup plus exposées. Ainsi, passé un certain âge, elles sont obligées de se reconvertir professionnellement ou de faire des choix de vie différents, contrairement à leurs homologues masculins. Au-delà de leurs compétences, les scénaristes femmes sont bien souvent sollicitées pour donner plus de « couleur » aux protagonistes féminins. Cela témoigne non seulement de la force des stéréotypes de genre dans les rôles de cinéma, mais également d’une forme de segmentation du travail en fonction du genre du.de la scénariste et du genre du rôle proposé.

Le manque de diversité dans la production française. La représentation de la diversité semble particulièrement faible dans le cinéma français, alors même que des acteurs comme Netflix ont pu prouver par les statistiques que les productions sortant des sentiers des stéréotypes rencontraient un succès plus franc en France qu’ailleurs. Ces thématiques ne sont pas absentes à l’étape de création, mais il est dans les faits difficile de concrétiser – par le financement et la diffusion – de tels projets. L’industrie devrait donc davantage se saisir de ces sujets, car le public est en demande. Les participant·e·s ont rappelé que montrer la diversité ne se résume pas à en faire le sujet principal d’un film (comme les difficultés d’un couple mixte par exemple) ; il s’agit au contraire de l’intégrer dans toutes les productions. Au contraire des hommes, les femmes sont pénalisées par un manque important de rôles pour les plus de 50 ans. Comme l’a rappelé un·e des participant·e·s : « 51% d’une nation est représenté par seulement 6% des actrices ». 

La légitimité à occuper le devant de la scène. Occuper un poste à responsabilité et être femme oblige à prouver en permanence sa légitimité et ses compétences. 

Une intériorisation de la misogynie. Dans l’industrie du cinéma, l’absence de parité conduit à une forte concurrence entre les femmes pour occuper des postes très convoités. Certain·e·s participant·e·s font le constat d’une forme de misogynie intériorisée par les femmes, en raison même de ce manque d’opportunités pour des femmes pourtant qualifiées. Il a également été fait le constat d’une forme de traumatisme causé par les situations discriminantes passées, qui conduirait certaines femmes à se méfier constamment des hommes ou à être plus dures avec d’autres femmes.

Le regard porté sur la grossesse et la maternité. La grossesse est très souvent taboue sur les tournages de films, particulièrement pour les postes techniques qui demandent un effort physique. Les participant·e·s ont pu rappeler que la grossesse n’est pas une maladie, et que plus de sensibilisation sur ce sujet serait très bénéfique pour le bon déroulement des tournages. Le nombre d’enfants reste encore une question très souvent posée en entretien pour des postes demandant une grande disponibilité.

Une représentation automatique et stéréotypée des personnages de fiction. Les participant·e·s ont constaté que les personnages féminins sont très souvent secondaires, univoques et viennent apporter la clé au premier rôle masculin. Il semblerait que les scénaristes femmes, par comparaison, proposent des rôles féminins plus complexes. Les rôles dits « comiques » destinés à des femmes sont généralement dépourvus de réels traits humoristiques au contraire de leurs homologues masculins.

Le rôle des médias. Le discours des médias est très important dans la réception d’un film par le grand public. L’un·e des participant·e·s constate notamment que la présentation qui est faite de certaines oeuvres, se focalisant sur des détails, peut détourner le public du véritable sens de la production.

Citations pépites

« Il ne faut pas invisibiliser d’autres personnes au profit des femmes »

« Tant qu’on fait des films à 1,4 M €, ça va. Au-delà, c’est dur… »

« On parle de mon associé (homme) comme étant mon boss »

« Le vrai travail, c’est l’apprentissage »

« En tant que scénariste, je suis souvent appelée en cours d’écriture, réduite à apporter une « couleur féminine » aux personnages féminins  »

« Même la Reine des Neiges, elle fait le ménage dans le film, ne l’oublions jamais ! »

« Je me sens souvent chalengée parce que je suis une femme »

« Il y a trop de rôles sans prénom pour les femmes »

« Dans un binôme homme-femme, c’est toujours l’homme qu’on félicite »

« J’étais tellement frustrée d’être une femme que je voulais ressembler à un homme. Puis à force de voir des femmes représentées, ça m’a donné la force d’assumer d’être une femme »

Idées d’actions

Les participant·e·s ont été invité·e·s à échanger autour de trois thèmes et à réflechir aux actions à mettre en place pour plus d’égalité au sein de l’industrie du cinéma.

PARITÉ

* Anonymer le premier envoi au CNC dans le cadre des aides et avances sur recette.

* Aide du CNC pour financer les films qui embauchent des femmes

* Imposer la parité à compétences égales dans les comités de sélection des principaux festivals, des écoles de cinéma et du CNC

* Création d’un label, pour inciter les sociétés de production, les écoles, les festivals à être vertueux·se·s. Ce label serait attribué selon une charte à définir, incluant des critères relatifs à la parité des équipes techniques, à la diversité des rôles représentés, à la place des femmes dans le scénario, etc.

* Création d’un fonds de financement pour inciter financièrement les sociétés de production à obtenir le label.

 

 

NETWORKING & MENTORING

* Etablir une liste des jeunes technicien·ne·s compétent·e·s et qualifié·e·s, pour la diffuser auprès des sociétés de production.

* Etablir une liste de professionnel·le·s du cinéma prêt·e·s à donner du temps dans le cadre de mentorat. Cette liste serait fournie aux différentes écoles de cinéma, à Paris et en province, dans le but de sensibiliser les étudiant·e·s non seulement aux questions des stéréotypes (rôles féminins et masculins, emploi de femmes sur un tournage, etc.) mais également à la réalité de l’industrie (prétentions salariales, évolution de carrière, etc.).

* Utiliser les festivals comme des temps de rencontres entre professionnel·le·s et jeunes talents, professionnel·le·s d’une même branche ou professionnel·le·s de branches différentes. Proposer à chaque invité·e de consacrer une heure de son temps afin d’encourager la mise en réseau et permettre une meilleure circulation des talents.

* Organiser des séances régulières de coaching, incluant hommes et femmes, ouvertes à tous, pour discuter de thématiques de gestion d’équipes et d’accompagnement des dirigeant·e·s dans la mise en place de la parité.

* Intégrer les syndicats professionnels dans la mise en place de mesures concrètes et manières de faire, issues des séances de coaching.

 

SENSIBILISATION AUX STÉRÉOTYPES DE GENRE ET FORMATION

Dans les écoles élémentaires, collèges et lycées :

* Organiser des rencontres entre professionnel·le·s du cinéma de branches et de milieux diverses et élèves d’école, en focalisant les interventions sur l’enjeu de la diversité des représentations dans les films.

* Sensibiliser les élèves aux enjeux de la représentation de soi par la réalisation de courts-métrages. Optimiser l’utilisation des médias sociaux pour la diffusion de ces productions.

Dans les écoles de cinéma :

* Lutter contre les automatismes d’écriture en proposant de réaliser des projets en binômes, hommes et femmes.

* Imposer des exercices de création de personnages non stéréotypés (femme comique, femme exerçant des professions socialement construites comme « masculines », transidentité, etc.)

* Sensibiliser à la nécessité d’utiliser l’écriture et la parole inclusives, qui permettent notamment d’éviter de flécher automatiquement des personnages et des fonctions sur un genre.

Pour les professionnel·le·s du cinéma :

* Sensibiliser les directeur·trice·s de casting à la question des stéréotypes de genre en les encourageant à pratiquer des castings non genrés

* Créer des forums de coproduction innovants sous la forme de jeux de pistes, anonymant les scénarios proposés.

* Créer un prix récompensant le meilleur rôle – à distinguer d’un rôle d’interprétation lié à un·e acteur·trice – et réformer les Césars en mettant en place un vote par corporation.

* Créer un prix d’interprétation mixte, pour les Césars et la remise de prix dans le cadre des festivals.

* Créer un prix de distribution générale / casting global

* Créer un prix d’interprétation pour des rôles féminins défiant les stéréotypes de genre

* Lutter contre l’invisibilisation des comédiennes de plus de 50 ans (dans la même veine que l’initiative « Tunnel des 50 » de l’AAFA) et sensibiliser l’ensemble de la chaîne (réalisateur·trice·s, directeur·trice·s de casting, producteur·trice·s, etc.) au sujet.

* Créer un prix Alice Guy, pour notamment contribuer à donner à cette femme, première réalisatrice de l’histoire, la part qui lui revient.

*Pour mémoire : règles de confidentialité et de publication du Lab :

Nous utilisons la règle dite de Chatham House, du nom d’un célèbre think tank britannique.

Cette règle est utilisée pour réglementer la confidentialité des informations échangées lors d’une réunion : quand une réunion se déroule sous cette règle, les participants sont libres d’utiliser les informations collectées à cette occasion, mais ils ne doivent révéler ni l’identité, ni l’affiliation des personnes à l’origine de ces informations. Cela permet une plus grande liberté de parole et des prises de positions plus fortes.

La liste des participants aux ateliers est en revanche publique, dans le but d’indiquer la diversité et la qualité des personnes présentes et donner de la valeur aux idées émises